Qu'il s'agisse d'armures pour augmenter la résistance du corps aux exosquelettes modernes ou de vêtements de camouflage pour accroître la discrétion et la furtivité des soldats, ces derniers portent des vêtements et des accessoires de protection depuis plusieurs millénaires.
Aujourd'hui, nous assistons aux prémices d'une nouvelle génération de systèmes destinés à la fois à protéger et à augmenter la force et la résistance du combattant, et parfois à l'effacer des systèmes de détection de l'adversaire, que ce soit sous la forme d'exosquelettes, d'"armures corporelles" connectées ou de combinaisons de camouflage adaptatives.
Dans ce domaine, la science-fiction est à la pointe depuis de nombreuses années, que ce soit dans la littérature, la bande dessinée, le cinéma ou les séries télévisées, avec parfois des approches particulièrement inspirantes pour les ingénieurs en charge de ce type de programmes. Dans cet article, nous présentons les cinq équipements de combat les plus intéressants de l'univers Scyfy afin d'étudier leurs spécificités et la pertinence du concept proposé.
1- Aliens : The Return : Exo-squelette pour M56 Smart Gun
En 1986, James Cameron a réalisé l'un de ses premiers blockbusters Aliens - Le retour Raconte les aventures d'Ellen Ripley, accompagnée d'une troupe de Space Marines, sur une planète en cours de terraformation, LV-426, pour y affronter les "xénomorphes", les créatures qui avaient terrassé l'équipage du Nostromo dans le premier opus de la série.
Il y a certains aspects qui distingueront Cameron au cours de sa longue et fructueuse carrière cinématographique, notamment la précision avec laquelle il conçoit l'équipement militaire du futur, notamment le système de combat M56 Smart Gun de Drake et Vasquez, deux des Space Marines les plus charismatiques du film.
Le Smart Gun est composé d'une mitrailleuse lourde (18 kg) destinée à l'appui-feu dynamique des troupes d'infanterie et d'un exosquelette simplifié qui permet de répartir le poids de l'arme et des munitions et d'absorber le recul du tir sans gêner la mobilité de l'équipe de combat et sans nécessiter d'assistance au tir.
De plus, un système de visière de casque complète la portée et permet aux Space Marines de disposer d'une grande puissance de feu au fil du temps et des mouvements de la bataille.
Le principe proposé rappelle certaines expérimentations autour de la mitrailleuse Gatling M134 fixée sur les chars de combat, sans que cette dernière n'offre la même fluidité de tir que de mouvement. James Cameron a poussé le souci du détail pour imaginer les mouvements spécifiques liés à l'utilisation du M56, dans une dynamique inspirée des arts martiaux comme le ju-jitsu ou l'aïkido, qui confère une plasticité féline aux mouvements des marines.
D'autre part, si cette technologie et cette tactique semblent efficaces contre les xénomorphes (et encore...), nous comprenons que le tireur est particulièrement vulnérable aux tirs ennemis, d'autant plus que le système de bras porteur ne semble pas adapté à la couverture, indispensable à la progression de l'infanterie.
Néanmoins, le lien physique et logique entre l'arme, le système de visée du casque et le blindage de combat était remarquablement visionnaire en 1986, alors que nous commencions à peine à mettre en œuvre ce type de technologie.
2- Dune : La distillerie
Dune de Frank Herbert, publié en 1965, est l'un des piliers de la science-fiction classique, avec le cycle "Foundations and Robots" de e' Azimov et "Chasing the Slans" de Van Vogt.
Si l'intrigue doit être associée à un univers proche du space opera, très en vogue à la fin des années 60, Herbert a décidé de rompre avec de nombreux codes de la science-fiction de l'époque en éliminant le concept de robotique et d'intelligence artificielle après une guerre entre les hommes et les machines (le djihad de Buthler), ainsi que l'utilisation d'armes laser, rendue impossible par l'énigmatique "effet Holtzman" qui entraînerait la destruction du tireur et de la cible lorsqu'un laser frappe un bouclier.
Surtout, Herbert a positionné l'action de Dune sur la planète désertique Arrakis, également appelée Dune, qui abrite à la fois la matière première la plus indispensable de l'univers, l'épice (une allégorie du pétrole), et un peuple autochtone qui constituera l'épine dorsale de l'histoire, les Fremens. Pour survivre sur Dune, les Fremens ont développé un équipement de survie et de combat appelé "Distille", spécialement conçu pour le climat extrême et sec de la planète.
Les représentations de la distille dans le film de David Lynch de 1984 et dans la mini-série des années 1990 diffèrent de la description du roman, qui est fortement inspiré par les vêtements des nomades bédouins, dont la culture servira de fil conducteur à l'écriture du roman et à son intrigue.
La fonction reste cependant la même, à savoir d'une part protéger le porteur de la chaleur, des radiations et de l'abrasion du sable et surtout limiter la perte d'eau du corps en captant toutes les pertes d'eau (sueur, urine, respiration) puis en filtrant ces liquides pour les rendre à nouveau potables.
De toute évidence, cette question a pris toute son importance pour les forces armées déployées dans un environnement hostile, par exemple dans les déserts d'Irak, de Syrie ou du Mali, ou dans les montagnes afghanes, où la fourniture d'eau potable a constitué pour les forces occidentales l'un des défis logistiques les plus cruciaux, les plus restrictifs et souvent les plus coûteux en termes d'hommes et d'équipements.
Pour soutenir les 5000 soldats de l'opération Serval, les armées françaises ont dû transporter 43 000 litres d'eau potable par jour, ce qui représente un poids logistique bien plus important que celui du carburant et des munitions réunis, par exemple.
La DARPA américaine s'intéresse également activement à ce sujet depuis 2019, en développant une nouvelle technologie d'extraction de l'humidité de l'air via des métamatériaux, en utilisant une très faible quantité d'énergie électrique, éventuellement fournie par des panneaux solaires portables.
De la même manière, les pompiers américains ont mis au point un équipement qui recueille la sueur afin de l'incorporer dans les vêtements de protection et d'augmenter ainsi la résistance du pompier à la chaleur et au rayonnement thermique au fil du temps.
De toute évidence, la mise au point d'un équipement capable de protéger efficacement et activement contre la chaleur, tout en récupérant au moins partiellement les pertes en eau du corps et en les transformant en eau potable, constituerait un avantage majeur pour l'autonomie du combattant dans un environnement hostile, tout en réduisant considérablement la logistique associée.
Les progrès réalisés ces dernières années, notamment dans le domaine des métamatériaux, pourraient permettre à plus ou moins court terme de réaliser des percées dans ce domaine et de se rapprocher de Frank Herbert Distille Fremen.
3- Edge of Tomorrow : Exosuit Combat Exosquelette
La lutte contre des extraterrestres presque dépourvus de technologie, mais terriblement puissants et voraces, est devenue un thème très populaire de la science-fiction ces dernières années, avec des films comme "Silence" ou le plus récent "The Tomorrow War".
C'est également "Pitch of a Japanese Light", publié en 2004 sous le titre "All you need is Kill" de l'auteur H. Sakurazaka, qui a ensuite été adapté par Doug Liman dans le film "Edge of Tomorrow".
Au-delà du principe d'anticipation et de boucle temporelle qui est au cœur de l'action du héros, le lieutenant-colonel William Cage (Tom Cruise), le film met en scène une vision pertinente de ce que pourraient être, dans un avenir plus ou moins proche, les technologies militaires en matière d'exosquelettes, alors que ces technologies sont déjà au cœur de nombreux programmes aux États-Unis, en Russie ou en Chine.
Pour combattre des extraterrestres très rapides et d'une puissance phénoménale dans le film, les soldats utilisent un exosquelette de combat lourd, l'exosuit, qui leur permet d'augmenter considérablement leurs capacités (force, endurance, etc.) ainsi que leur puissance de feu, notamment grâce à une mitrailleuse lourde et un lance-roquettes fixés sur les membres du squelette.
Si le film accorde une grande importance à certains détails cohérents, notamment en ce qui concerne l'autonomie limitée de l'appareil ou la composition du groupe d'attaque aérien, il manque étrangement certains aspects comme la communication ou l'engagement coopératif, les combats ressemblant davantage à des affrontements médiévaux qu'à des combats modernes.
Quoi qu'il en soit, l'exosquelette Exosuit est très proche, tant dans l'esprit que dans la forme, des objectifs des programmes actuels dans ce domaine. Ces derniers souffrent cependant, comme tous les robots, d'une limitation quant à l'énergie nécessaire pour les rendre réellement efficaces, alors que la technologie actuelle des batteries ou la production d'énergie mobile ne suffisent toujours pas à rendre ces appareils pertinents sur le champ de bataille.
Ainsi, les exosquelettes développés en Chine, qui doivent notamment permettre aux soldats de porter une charge plus importante au fil du temps, notamment en altitude, n'offrent qu'une autonomie de deux heures à pleine charge, ce qui peut être utile pour une connexion, mais reste très insuffisant en cas de combat.
Cependant, le potentiel de cette technologie est si prometteur que son développement est dynamique et durable, malgré les limites actuelles, du moins au sein des trois grandes puissances militaires mondiales.
4- L'étendue : combinaison de combat Goliath
De toutes les séries de science-fiction produites au cours des 20 dernières années, The Expanse est sans aucun doute la plus réussie en termes de scénario plausible et de technologie.
L'histoire se déroule dans un futur proche, alors que le système solaire a été colonisé par l'humanité et que trois factions s'affrontent : la Terre sous l'égide des Nations unies, Mars sous un régime paramilitaire et la grande ceinture d'astéroïdes, la plus faible militairement et la plus désunie, mais qui fournit des ressources naturelles aux deux principaux acteurs.
Au-delà de l'intrigue, qui n'est pas sans rappeler celle du Trône de fer, toute la série est conçue avec une précision scientifique et physique étonnante, loin des codes de la science-fiction traditionnelle.
Par conséquent, la gravité et les effets de l'accélération, en particulier dans le contexte des voyages spatiaux et de leurs effets physiologiques, jouent un rôle central dans toute l'histoire, et les vaisseaux spatiaux passent leur temps à se retourner pour accélérer, puis à ralentir, tout en maintenant la gravité à bord, qui permet à l'équipage de travailler.
L'armement utilisé est également très plausible : l'utilisation massive de railguns et de missiles ainsi que les combats entre vaisseaux spatiaux rappellent les batailles navales du XVIIIe siècle.
Dans ce domaine, l'armure de combat Goliath est un concentré de technologies et de physique appliquée. À la fois exosquelette, armure de combat et combinaison pressurisée, elle permet aux soldats martiens de se battre dans l'espace avec ou sans gravité, en respectant tous les codes de ces trois éléments.
De plus, alors que les Martiens grandissent sous une gravité inférieure à celle de la Terre, cela leur permet de compenser les effets d'une gravité plus forte sur leur organisme, comme sur Terre par exemple, au point qu'il est possible de résister aux très fortes accélérations auxquelles les vaisseaux spatiaux sont soumis lorsqu'ils manœuvrent à grande vitesse.
Contrairement à l'exosuit de Edge of Tomorrow, la communication et le rôle de l'engagement coopératif sont souvent mis en avant dans la série, notamment à travers l'armure Goliath. Actuellement, cette vision de la militarisation de l'espace n'est pas pertinente et les tenues de sortie hors véhicule portées par les astronautes répondent uniquement à des considérations de survie.
Mais si l'espace se militarisait, il est probable que la vision de The Expanse concernant l'armure de Goliath atteindrait rapidement le champ des possibles.
5- Ghost in the Shell : Cyborg Major Kusanagi
Ghost in the Shell est un chef-d'œuvre de la culture cyberpunk de Masamune Shirow, publié pour la première fois en 1989. Il décrit un futur dans lequel la cybernétique et la bionique sont les deux piliers sur lesquels la société humaine s'est construite.
L'héroïne, le major Motoko Kusanagi, est un cyborg, un cerveau humain transplanté dans un corps robotique entièrement cybernétique, ce qui lui confère des capacités militaires très avancées, tant au combat que dans le domaine cybernétique.
En tant que membre d'une unité spéciale de lutte contre la criminalité, la Section 9, elle lutte contre les pirates informatiques capables de prendre le contrôle de l'esprit humain, le fameux "fantôme" qui représente l'âme des gens, en piratant leurs implants cybernétiques.
D'un certain point de vue, le corps cybernétique et robotique du major Kusanagi représente l'aboutissement ultime de la notion d'exosquelette et d'armure de combat, réduisant le rôle de l'homme à sa plus simple expression, son cerveau et son âme.
Si l'implantation d'un cerveau humain dans un corps ou d'une interface cybernétique est encore loin d'être possible aujourd'hui en l'état des connaissances scientifiques, la bionique, c'est-à-dire l'augmentation des performances du corps et de l'esprit humain par des implants technologiques, est l'un des champs de recherche les plus prometteurs à long terme dans le domaine militaire.
Ses applications imminentes concernent la surveillance des constantes vitales, la géolocalisation et la communication avec l'armée, mais s'étendent déjà à des domaines plus avancés, comme l'utilisation d'interfaces homme-machine contrôlées directement par les ondes cérébrales ou la réparation de membres ou d'organes endommagés ou détruits par des alternatives technologiques.
L'un des autres aspects particulièrement intéressants du corps de Motoko Kusanagi est l'utilisation d'une technique de camouflage appelée camouflage thermo-optique, qui permet de plier la lumière pour rendre le sujet invisible, même dans le spectre infrarouge.
Cette approche fait actuellement l'objet d'un travail très sérieux de plusieurs personnes et est appelée "cloaking", un sujet que nous avons abordé dans un article précédent.
Conclusion
Qu'ils soient écrivains, mangakas ou cinéastes, les auteurs de science-fiction offrent parfois de véritables éclairages sur le développement des technologies de défense, mais aussi sur leur contexte d'utilisation et les contraintes et dangers qui les entourent.
Le domaine de l'équipement de combat est l'un des exemples où cette capacité de projection est particulièrement intéressante à observer et souvent pertinente bien au-delà de la simple description narrative qui l'accompagne.
Nous comprenons donc pourquoi des initiatives telles que "l'équipe rouge" de l'Agence française pour l'innovation de défense ont vu le jour et ce qu'elles peuvent apporter, si elles sont utilisées à bon escient, pour dépasser le cadre formel de la conception des équipements de défense, en particulier si l'on va au-delà des applications évidentes des technologies existantes.
Dans le domaine de la défense comme dans les autres, l'imagination est la seule limite que l'on ne peut certainement pas franchir, car il est impossible d'imaginer quelque chose que l'on n'a pas imaginé auparavant.
Et la science-fiction sous toutes ses formes joue très probablement un rôle qui va bien au-delà de celui qu'on lui attribue timidement aujourd'hui, d'autant qu'elle offre souvent une vision beaucoup plus large et complexe que la simple application de la technologie.
Source : Armure et exosquelette : la science-fiction montre l'exemple (meta-defense.fr)